Organisation du travail La généralisation de la sous-traitance marque une mutation du métier
En 20 ans, la sous-traitance des travaux et la délégation intégrale se sont fortement développées, principalement en productions végétales. Ces pratiques, en rupture avec l’organisation familiale traditionnelle, sont-elles une solution ou un danger pour la profession ?
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» parue le 11 juillet 2022 dans la revue « Économie et Statistique » publiée par l’Insee, fait le point sur ce sujet complexe à mesurer.
Une pratique mal connue mais en progression
Depuis le début des années 2000, la sous-traitance des travaux agricoles connaît un « essor remarquable », soulève l’étude. En 2020, six exploitations sur dix (56 %) y ont recours pour des chantiers divers. Si cette proportion est la même qu’en 2010, le volume des travaux délégués, quant à lui, augmente, selon le dernier recensement agricole.
Selon l’Insee, entre 2005 et 2020, la valeur des services achetés aux ETA et Cuma a augmenté de 17 %, passant de 4,1 à 4,8 milliards d’euros.
Les exploitations qui sous-traitent le plus sont en grandes cultures (55 % d’entre elles) et en viticulture (24 %) (enquête ESAE, 2016). Au-delà de la récolte, elles délèguent aussi souvent l’épandage organique, le semis, le stockage et les traitements phytosanitaires.
En élevage, seules 2 % à 6 % des exploitations font appel à la sous-traitance. L’étude note l’apparition de prestations pour l’élevage de génisses, la traite, ou l’aide aux mises bas en bovins lait et ovins.
> À lire aussi : Recensement : le recours aux prestations de service explose (11/07/2022)
La délégation intégrale plus fréquente en grandes cultures
La délégation intégrale des travaux porte sur toute la production, voire dans certains cas la gestion administrative et économique de l’exploitation.
La France Agricole s’est procuré, auprès du ministère de l’Agriculture, les chiffres précis de la délégation intégrale des travaux pour les productions végétales, par filière, collectés lors du recensement agricole de 2020. En moyenne 7 % des exploitations y ont recours, et 13 % des exploitations en grandes cultures.
Orientation technico-économique (Otex) | Part des exploitations (%) ayant délégué l’intégralité des travaux pour toutes les productions végétales |
Grandes cultures | 13 |
Maraîchage et horticulture | 2 |
Viticulture | 7 |
Arboriculture | 4 |
Bovins lait | 5 |
Bovins viande | 3 |
Bovins mixte | 4 |
Ovins, caprins | 3 |
Porcins, volailles | 8 |
Polyculture-élevage | 5 |
Ensemble des exploitations | 7 |
Source : Agreste – Recensement agricole de 2020, pour la France métropolitaine.
Les profils des agriculteurs donneurs d’ordre
L’agriculteur peut confier l’intégralité des travaux soit à un agriculteur du voisinage qui fait de la prestation en nom propre, soit à une ETA via un contrat formalisé. Depuis 2010, une troisième forme de délégation intégrale apparaît, où un « assistant maître d’ouvrage » fait l’intermédiaire entre l’agriculteur-donneur d’ordre et un pool d’ETA et gère les chantiers de travaux, relèvent les auteurs.
Les principales raisons avancées sont les contraintes de temps, de coût, de technicité ou encore de matériel. Trois profils d’agriculteurs se dégagent.
- Les premiers veulent se concentrer sur d’autres tâches à valeur ajoutée (transformation, commercialisation, méthanisation, agritourisme, etc.).
- Les seconds sont proches de la retraite, et préfèrent conserver leurs terres plutôt que de les louer, dans l’attente d’une hypothétique reprise ou vente future.
- Les troisièmes sont des pluriactifs qui, pour des raisons de temps et d’argent, préfèrent sous-traiter plutôt qu’avoir un gérant et des investissements.
La délégation intégrale, marqueur de mutation
La délégation intégrale est « la forme de sous-traitance la plus aboutie, puisqu’elle implique une dissociation totale entre la propriété des actifs agricoles et leur gestion, où l’agriculteur garde son statut mais ne pilote plus son exploitation », notent les auteurs.
Ce phénomène émergent et en pleine progression est souvent controversé, car il fait craindre une rupture dans le métier de chef d’exploitation, souligne l’étude. Alors que des départs massifs d’agriculteurs s’annoncent, la sous-traitance sera-t-elle la solution pour maintenir les exploitations et garantir la capacité productive et l’emploi, s’interrogent les auteurs. Ou faut-il craindre la mainmise des ETA et d’entreprises du secteur industriel (agroalimentaire, agrofourniture et machinisme agricole) sur la production agricole ?
> À lire aussi le dossier : Sous-traitance : la délégation de travaux, une pratique en plein essor (09/04/2021)
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